Preuves par la preuve
Mon doctorat proposait une rhétorique de la preuve. Naming, Blaming, Claiming… Prouving. C’est en nommant que l’on identifie la peine que l’on peut renvoyer à l’autre afin de demander réparation… Devant un juré, la justice humaine, cela nécessite les preuves. En bonne enquêtrice ou auditrice d’un cas judiciaire, il me fallait vérifier. Vérifier pour légitimer quelque chose, ce quelque chose d’inexplicable. Cet intangible. Comment prouver que ce que j’entends ou je perçois est vrai… aux yeux du monde entier, à cet autre qui me consulte et… à moi-même ? Vous l’aurez deviné, le récepteur spectateur de cette pièce de théâtre qu’était devenu ma vie, n’était autre que moi-même.
Avec le recul, il est difficile de mettre une chronologie exacte à cette enquête et ces madeleines de vérité. Cela a commencé graduellement à partir de mes premières séances avec des inconnus. Mes premiers clients sont reliés au cancer. J’apprends peu à peu à me familiariser avec le corps, les métastases qui apparaissent comme des petits nano-pucerons qui apparaissent sur mes « patients ». L’image correspondante serait les imageries médicales avec des points en couleurs. Quand je vois ce que j’appelle du goudron, c’est que la charge émotionnelle est lourde.
Ma première séance marquante se déroule avec une jeune femme belge qui se connecte depuis Louvain. Elle me parle rapidement de son envie de changement de travail quand je l’interromps. Je lui demande pourquoi j’entends Léonard de Vinci quand elle se confie. Elle m’explique qu’elle a lu un article sur lui la veille et qu’elle envisage une reconversion vers l’architecture. Je lui dis que l’homme évoque une maison d’architecture et le mot « Vienne ». Je connais un peu le bonhomme, il me parait improbable qu’il ait vécu en Autriche. Mon interlocutrice est bouche bée et circonspecte. Nous passons le sujet car une information suit sur son père.
La séance se termine. Je trépigne. Il est impossible que de Vinci soit allé en Autriche. Je suis impatiente de prouver que cette voix dit n’importe quoi. Je tape sur Google et le moteur de recherche est sans répit à mon égard. La forteresse de Monthoiron dans le département de la Vienne est la seule maison signée par l’architecte Léonard de Vinci. J’écris à Amélie et elle reçoit l’information avec enthousiasme, un signe par son cheminement personnel. Pour ma part, c’est mon tour d’être acculée par la force du machin. Je passe mon chemin, je continue ma sentence d’incrédulité. L’ironie veut que deux mois plus tard, le Président Macron s’y rende et l’information rentre dans ma tête comme une musique encore inconsciente.
Avec le temps qui m’apporte des preuves, je reprends les guidances. Le sentiment change. J’ai l’impression que cela vient de l’intérieur, ce n’est plus une voix qui semble extérieure. La sérénité se pose dans mon expérience et je reçois comme une vision, celle qu’une exposition publique et médiatisée m’attend. J’accueille l’information avec une donnée temporelle quand je rencontre Olivia. Je deviens vite amie avec cette jeune femme à peine arrivée de France. Férue de soin énergétique, elle a recommandé mes services sans me connaître et sans me rencontrer. Avec elle, je vis la foi. Quand Olivia sait, elle suit les signes. Très vite, elle m’évoque l’intérêt de mon parcours à ses yeux. Adepte aux énergies depuis longtemps, elle aime écouter des témoignages sur Internet et me parle de plusieurs émissions. Elle me donne le nom de Laurent Fendt, je tremble intérieurement… Un des messages invisibles téléguidés me répétait le prénom Laurent.
Quand j’écris au journaliste, j’ignore tout de lui, de sa chaine, de son aura. J’y vais cette fois-ci, en pleine confiance et guidée par cette part intérieure qui a la foi. Laurent m’accueille avec chaleur et me propose de passer un test, ce que j’accepte volontiers. J’échange et je passe l’épreuve avec succès. Me voilà programmée sur sa chaîne lors d’un passage en France. Je viens sans rien préparer, j’ai confiance. Quand je parle, j’ignore qui répond. Une abeille vole dans le studio, ce qui nous amuse car j’ai parlé de mon amour du miel la veille. Ma vidéo est publiée et je deviens « médium-guérisseur » sur YouTube, un titre que je ne comprends pas vraiment mais qui correspond à une case identifiée. Pendant plusieurs mois, je suis hyper sollicitée pour des séances qui démultiplient les madeleines de preuves.
Aujourd’hui, les preuves continuent. Elles ont arrêté d’être des preuves, elles sont des madeleines, ce gâteau que je me suis remis à manger avec délice. J’apprécie le goût, la texture, la simplicité. A chaque fois que je reçois une personne inconnue et que je sors une information venue de nulle part qui parait improbable à capter, je réalise la magie. Les personnes qui me consultent la vivent avec moi. Souvent, celles qui acceptent ces capacités ont le droit à un défilé de madeleines et les miracles s’enchainent. Grâce à ces moments, j’apprends à apaiser mon mental qui est terrifié. Tout ceci est inexplicable et inexpliqué. Dans le domaine des sciences de l'humain et du "paranormal", il n’y a que le témoignage qui fait office de science…
Mais à force de vouloir prouver, on oublie de croire, de vivre et de se laisser porter par l'expérience.
[1] C’est pour ça que j’ai eu de la chance avec toi. Tu ne savais pas qui j’étais et tu te fichais de savoir qui j’étais. Ce qui t’importait, c’est ce que j’ai ressenti. C’est pour cette raison que tu dois aider Céline, c’est ton travail. »