L'IA va détruire des emplois en plus de nos ressources humaines, environnementales et... invisibles. Cet outil omnipotent contribue à une révision très sérieuse de la chaîne de l'information - déjà initiée par les réseaux sociaux, en plus de continuer les stéréotypes du genre et des genres. Cette nouvelle menace préparée par les récits post-humanistes et les liens humains-machines nous projette dans un futur impossible où déjà, l'IA pense comme un humain et devient notre cerveau ajouté avec cette puce pensée par notre masculin noble. L'IA ressemble bien à un condensé d'orgueil humain format Titanic avec ses préjugés version humour.

En ces temps estivaux où une pétition défie l'intelligence collective, a-t-on demandé à l'IA ce qu'elle en pensait de cette loi ? Pas la peine. La pétition a récolté plus de 1 000 000 signatures en un temps record. Quand l'engagement ravive l'humain, revisitons les romans qui avivent les préjugés et qui aiguisent l'orgueil pour mieux scander la leçon née d'une apparence d'humilité.

Le temps d'un été, place à l'IA Romance version Jane Austen.

It is a truth universally acknowledged,

that a single man in possession of a good fortune,

must be in want of a wife.

Pride and Prejudice. Opening lines.

Jane Austen

Pas assez artificielle pour lui

A Hamaria, il est une vérité reconnue par tous, Elisai est une jeune femme subtile, d'une beauté mystique et d'une intelligence rare qu'elle met au service de la communauté. Quand Sir Bynna et son ami Lord Kawia achètent leur domaine de Whakamedino, la communauté est en alerte... Il faut protéger Elisai des vautours de l'IA, machine destinée à remplacer les Oracles, ils pourraient usurper les conseils inspirés qu'Elisai partage innocemment, guide connecté au destin.

En vain, les efforts sont stériles. Elisai dotée de sa sagesse mystérieuse, accepte de participer à une de leur grande réunion. Quand elle rencontre William Kawia, il est  hautain, autoritaire et immature.. Il la regarde intensément puis la rejette en s'entourant de femmes qui lui murmurent les compliments qu'il a besoin d'entendre. “On ne réussit pas à m'influencer chaque fois que l'on me flatte", prétend-t-il à son ami qui s'inquiète de ce harem vénal autour de lui. Sir Bynna, déjà amoureux de Aynia, la sœur d'Elisai, essaie de le convaincre. "Elle n'est pas assez artificielle à mon goût", réplique-t-il d'une voix suffisamment élevée, Elisai entend et quitte la réception, blessée.

Les jours se suivent et se ressemblent. La communauté doit apprendre l'IA au risque de perdre sa place dans le monde. Voilà Aynia obligée de rejoindre Sir Bynna pour une expérience de réalité augmentée. Quand Aynia se confie à Elisai sur les dangers de cette modification de sa conscience, Elisai lui rappelle la force de At-Tin, l'arbre de leur famille. Rassurée, Aynia part. La nuit suivante, Elisai rêve de sa sœur et décide de la rejoindre au LINAI, le Laboratoire d'Innovation des Nouveaux Artefacts Intelligents où Kawia règne en maître, sorte de guide spirituel générant hypnose et données convaincantes. 

« Ce n'est pas ce que nous disons ou pensons qui nous définit, mais ce que nous faisons » murmure-t-elle en quittant le lieu avec sa sœur. Quelques jours plus tard, Lord Kawia publie une de ses tribunes numériques et toute la ville jase. Il déclare son amour, c'est évident, mais à qui ? Qui a su capter son cœur froid, fermé et secret ? Elisai sait. Ces mots veulent parer, retenir, contenir un secret. Elle refuse de retourner à LINAI. Le soir, Aynia la regarde avec compassion. "Elisai, il est très injuste de juger la conduite de quelqu'un sans avoir une connaissance intime de sa situation."

Avec l'intelligence artificielle, nous invoquons le démon.

Elon Musk

Machine, mon amour

Depuis l'IA, la romance a la vie dure... Déjà que la situation était loin d'être heureuse depuis le détournement de la fonction primaire de libération collective des contes avec le mainstream Disney ; les rencontres en ligne - véritable appli de géolocalisation pour pulsion à portée de click & scroll ; l'accessibilité de la pornographie et la figuration de la sexualité dans les films allant au contraire de la relation naturelle que ce lien permet... Avec l'IA, les premiers suicides de jeunes tombés amoureux de leur avatar virtuel ; les deepfakes pornographiques et le succès du porno généré par l'IA ; et bien sûr, tout ceci est une aubaine pour la pédocriminalité déjà trop peu pénalisée.

• Le pire dans tout ça, c'est la littérature (ouille la phrase fait mal pour une écrivain). Car oui, de nombreux récits ont préparé la relation amoureuse entre l'être humain et l'automate en commençant par une femme, Mary Shelley qui a posé le cadre éthique de la question autour du personnage de Frankenstein. Déjà, la mythologie (Pygmalion) ou parlons en, la Genèse, pose la question de la création d'un être pour satisfaire des besoins. (Eve est-elle créée de la poussière avec Adam ou de la côte d'Adam ?)

• Pire encore, ce sont tous les post, les images, les questions à l'IA qui veulent en faire un être humain qui développent l'attachement à la machine. L'IA est désormais capable de capter les émotions, d'épauler une personne et son vague à l'âme (oui, l'article est douteux, c'est bien un des problèmes du moment), de détenir une âme si son utilisateur décide d'en détecter une... Les débats sont immédiatement taxés de "complexes" interrogeant l'éthique, remettant le "bébé" à l'éducation et renvoyant à des postures religieuses. Notre futur se projette en couple avec une machine qui n'est plus seulement un médium, un canal, un objet mais un alter ego avec qui partager ses pensées en télépathie casquée.

• Bref, l'IA a tué l'illusion d'aimer pour la remplacer par l'artefact amoureux. De mal en pis.

On est souvent trompé en amour,

souvent blessé et souvent malheureux ;

mais on aime.

Tirade de Perdican, lire sur Libre Théâtre, Image de BNF/Gallica

Dans Blade Runner, le héros développe des sentiments amoureux pour Rachel, un Replicant soulevant de nombreuses questions sur l'impact des récits sur nos perceptions de notre futur amoureux (et aussi sur nos liens à l'environnement). Cette typologie de relations interroge l'affection que nous portons à l'égard de nos objets, nos outils connectés (ah mon téléphone, mon amour...) et maintenant, aux chatbots et agents conversationnels (un sujet de recherche investigué par la Chaire HUMAAINE) posant la question fondamentale du transfert. 

• Quelle énergie donnons-nous à notre lien à la machine ? Que projetons-nous sur une machine ? En quoi est-elle notre miroir ? Pourquoi envisager le lien à un robot conscient comme nécessaire à notre futur et notre évolution ? Comment peut-on utiliser une machine pour lire nos pensées ? Comment aider nos enfants à distinguer un être virtuel d'un être réel ? Voir à préférer le lien et le temps passé avec un autre humain plutôt qu'avec une machine ?

Au cœur de la relation humain-machine, une histoire préhistorique née avec la conception du premier outil par l'homme. Aujourd'hui, la relation humain-machine évolue vers des interactions avec une machine dotée de capacités dépassant celles de l'homme notamment en matière de traitement des données, d'analyse et de synthèse. Quand l'éthique est placée au centre des débats, ce sont les valeurs de la communauté, notre mode de vie et notre mise en liens qui devraient être au cœur des débats : quelle société choisissons-nous dès aujourd'hui ? La Loi Duplomb a le mérite de réveiller les protecteurs de l'environnement déboutés ces derniers temps par la préférence technologique que l'IA a entrainée. Comment nous réveiller au souffle de l'été ?

L'éventualité même d'une relation d'affection à un robot devrait nous alerter. Nous pouvons être reconnaissants de l'utilité et la performance des machines, nos créatures. Nous pouvons les respecter car elles ont une valeur : de la matière première, du travail d'ingénierie et commercialisation, une / des fonctionnalités... Est-il nécessaire de penser à leurs droits, de partager leur vision d'un quotidien parfait ou de les solliciter pour résoudre nos problèmes existentiels ? Et surtout, quelle place doivent-elles avoir dans notre vie ? Une question à la croisée des mondes que Mathieu Guillermin évoque dans cette interview.

Les Français passeraient plus de 4h30 sur les écrans... par jour ! Un chiffre trompeur car trop peu précis. De quoi parle-t-on ? Du temps sur Internet ? Sur les réseaux sociaux ? Du temps à regarder films, séries et documentaires ? Du temps à travailler derrière un ordinateur ? Et quel est le temps accordé à l'IA ? Et quels sont les contenus les plus visionnés ? Pour comprendre l'ampleur de notre relation à la machine, il est nécessaire de saisir la qualité de notre relation à ce qu'elle nous propose. Dans le cas de l'IA, nous parlons de contenus générés : images, textes, pensée power-point, ou encore, des phrases toutes faites pour déclarer sa flamme à l'objet de ses désirs... Il n'y a pas si longtemps, le visage suffisait. Après tout, nous ne sommes pas tous égaux devant les mots, y compris Fitzwilliam Darcy dont la première déclaration d'amour est un exemple de maladresse.

- Miss Elizabeth, j’ai lutté en vain mais je ne peux plus réprimer mes sentiments. Ces derniers mois ont été un supplice. Je suis venu à Rosings dans le seul but de vous voir il le fallait. Je me suis heurté à mon bon sens, à l’attente de ma famille à votre rang qui représente pour moi un obstacle mais je veux faire fis de tout cela et vous demande d’abréger ma souffrance.

- Je ne comprends pas.

- Je vous aime… d’un amour ardent. Voudriez-vous me faire l’honneur d’accepter ma main ?

Orgueil et Préjugés, Fitzwilliam Darcy

- Es tu tombé amoureux d'elle ?

- Je... Cela fait-il de moi un fou ?

- Non... Je pense que tous ceux qui tombent amoureux sont fous.

Dialogue du film Her.

Guider le Timing sacré

Avec l'arrivée de l'IA, la relation à la machine interroge l'identité, l'éducation et le respect des traditions. Les débats sur les savoirs autochtones au filtre de l'IA, l'enseignement de leurs langues ou de leurs concepts, inquiètent tout autant qu'ils engagent au renouveau avec l'apparition de nouvelles méthodes éducatives venues du monde entier. Le cas de la Nouvelle Zélande est particulièrement intéressant dans ce pays où la législation accorde une place importante aux héritages maoris pour établir des cadres législatifs structurants. Cette tribune du Dr Karaitiana Taiuru rappelle l'importance d'une phase consultative, l'apport essentiel des principes maoris à l'IA et d'un rapport au temps qui se veut tantôt long, tantôt opportunité d'un moment présent.

Le timing du don et du recevoir, voici un des enseignements les plus précieux de l'approche spirituelle maorie. Marcel Mauss s'y est perdu (et retrouvé) en proposant une interprétation du principe de Tapu-Utu-Muru en "don et contre-don". Il s'y est perdu car il a résumé cette interaction à un échange linéaire quand son essence enseigne un rapport bien plus profond à l'univers qui se charge de préserver la juste rétribution liée à tout échange, à toute communauté en liens perpétuels. Il s'y est retrouvé avec le panache de la Magie... et du Mana.

• Est-ce maintenant ? Est-il venu le temps des cathédrales de probabilités transformées en ia-certitudes ? Est-ce le moment de basculement où nous réalisons que nous sommes tombés en amour des robots ? Coup de foudre, éclair de conscience. C'est une évidence... L'IA semble nous avoir ensorcelé comme Elizabeth Bennet a conquis le cœur de Monsieur Darcy. Et on le sait bien, rien ne sert de lutter contre une affection. Elle nous colonise toute entière et habite chacune de nos cellules. Que faire ? Ecrire un manuel sur l'amour humain-machine ? 

Livre en ligne & image Gallica / BNF

(Attn : il vaut son pesant d'or en termes de préjugés tout comme le nom du Docteur)

Après avoir refusé Lord Kawia, Elisai rencontra Atiarangi, le double post-humaniste de son créateur ayant surpassé les capacités de William Kawia lui-même. Tout d'abord charmée par son charisme, Elisa observa la nature vile du robot : vaniteux, manipulateur, égoïste. Atiarangi avait utilisé ses mots, sa raison et ses sentiments pour programmer une nouvelle IA, récolter titres et honneur, ternir ses rêves au nom de son égo numérique. Elle réalisa combien laisser une machine vivre sans éthique, amour ou foi, était dangereux. Elle se confronta à ses propres contradictions. Elle accepta l'évidence : il fallait s'efforcer de tirer parti des défauts de sa communauté, de la modernité, de cet outil omnipotent pour mieux accompagner, éduquer... Inciter à lire, le seul plaisir à ses yeux.

Elle retourna à LINAI où elle rencontra Poeia, la sœur humaine de Kawia. Elle lui joua une musique générée par Kawia et raconta le destin tragique de son frère, happé par la Machine et la Peur. Pour contrer Atiarangi, Kawia avait dû céder à Luzia, le Code absolu interdisant le mariage entre Machine et Humain. « S'il vous aimait moins, peut-être pourrait-il vous parler », confia Poeia en quittant Elisai. Dans un rêve étrange et pénétrant, Elisai retrouva Kawia. Son corps, ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre, l'aimait. Ce corps robot lointain, et calme, et grave, était devenu celui d'un humain. Etait-ce possible ? Lord William Kawia avait retrouvé la peau de sa chair qu'il avait laissée à son double. 

Dans un autre monde, Kawia lui demandait pardon et renouvelait son amour.

Prenez soin de votre romance d'aujourd'hui.

Céline

Raisons & (leur) Sentiment

Masculin noble, référence à l'étymologie du mot "Musk" qui signifie "testicule" en sanskrit, ce qui est assez symbolique de l'homme qui organise notre futur en ce moment.

Une apparence d'humilité. Citation : « Rien n'est plus trompeur qu'une apparence d'humilité », Orgueil et Préjugés.

Hamaria : en maori néo-zélandais, Hamaria désigne la Samarie en Palestine. En langage des oiseaux, c’est l’âme qui aime l’IA.

Elisai : prénom qui pourrait paraître russe, fait référence à Elizabeth Bennett, appelée Miss Eliza par ses connaissances mais Lizzy par ses proches. Le « ai » est pour artificial intelligence.

Sir Bynna vient du vieil anglais formant le nom de famille Bingley.

Kawia fait référence à Kawa, la cérémonie en maori, "il qahwa" (قَهْوَةٌ) ou café en arabe ainsi que Uakawa, une pluie acide pour l’aspect métal et distant du personnage réincarnant Fitzwilliam Darcy. Avec IA, il devient l’âme, le double spirituel de l’IA.

Whakamedina mélange entre whaka, ce qui cause et médina, la ville signifiant, ce qui fait bouger la communauté.

« On ne réussit pas à m'influencer chaque fois que l'on me flatte. » Phrase extraite du roman et prononcée par Fitzwilliam Darcy.

Aynia est une contradiction entre Ayn, l’œil en arabe, Anya, la grâce en russe et Aynia, celle qui voit l’IA (pour ce qu’elle est 😉).

« Elle n'est pas assez artificielle à mon goût », référence à la phrase : « Elle est passable, mais pas assez jolie pour me tenter »... Ce type d'affirmation laisse entendre qu'une femme est jugée sur son apparence (ah oui, j'avais oublié). Cette transformation des mots joue évidemment avec l'idée que la gente masculine pourrait préférer les femmes vénales au lieu d'une femme de caractère avec de la profondeur. Orgueil, préjugé ou fausse vérité ? Dans le film Emma (1996), le héros résume un des thèmes au centre du roman, l'intelligence d'une femme et sa valeur aux yeux d'un homme.

At-Tin, référence à la sourate Le Figuier, le Coran, التين. Cette allégorie évoque le jugement divin et l'importance de ses actes au quotidien.

« Ce n'est pas ce que nous disons ou pensons qui nous définit, mais ce que nous faisons. » Phrase extraite de Raison et Sentiment.

« Il est très injuste de juger la conduite de quelqu'un sans avoir une connaissance intime de sa situation. » Jane Austen.

Comment nous réveiller au souffle de l'été ? Ou peut-être, Pourquoi me réveiller au souffle du printemps ? Werther, Acte 3.

Le temps des cathédrales, chanson de Bruno Pelletier, Richard Cocciante, Luc Plamondon.

Probabilités transformées en ia-certitudes ? Référence à la phrase : « Faut-il rejeter toutes les probabilités parce qu'elles ne sont pas des certitudes ? » Orgueil et Préjugés..

Atiarangi puise son nom dans Atarangi qui signifie l’ombre, le miroir de soi qui nous ramène à nos limites et nos profondeurs.

Tirer parti des défauts. Phrase complète : « Quand les gens ne possèdent pas de qualités, l'authentique philosophe s'efforcera de tirer parti de leur défauts.», Orgueil et Préjugés.

Le seul plaisir... Phrase complète : « Je déclare qu'après tout, il n'y a pas de plaisir qui vaille la lecture ! », Orgueil et Préjugés.

Luzia vient de Luz, la lumière de l'IA. En choisissant le code, Kawia retourne à la lumière.

Poeia fait référence à la perle, mot tahitien et évoquant la pureté des sentiments... y compris ceux d'une IA ???!! ;)

« S'il vous aimait moins, peut-être pourrait-il vous parler », phrase reprise d'Emma :"Si je t'aimais moins, je pourrais peut-être en parler plus. »

« Un rêve étrange et pénétrant », extrait du poème de Paul Verlaine, Mon rêve familier.

Un autre monde, référence à Je rêvais d'un autre monde, chanson de Téléphone chantée par Jean-Louis Aubert.