Image et imaginaire
« L‘imaginaire ne trouve pas ses racines profondes et nourricières dans les images ; il a d‘abord besoin d‘une présence plus prochaine, plus enveloppante, plus matérielle. La réalité imaginaire s‘évoque avant de se décrire. »
Gaston Bachelard.


Images
venues d'un autre monde



























Oh miroir mon beau miroir
Pendant dix ans, j'ai exploré l'imaginaire autour des images de la femme qui portent l'eau et les imaginaires qu'elles construisent. En 2016, ma vie bascule, je suis le courant d'une guérison pendant près de neuf ans. Je découvre le "chamanisme" ou la spiritualité, le développement personnel ou même l'ésotérisme. Je n'ai jamais réussi à choisir un mot. Le mot Mana a toujours résonné car il est universel à mes yeux, présent dans de nombreuses traditions du monde entier. Me voilà embarquée dans une aventure qui me dépasse. Elle donne naissance à un livre, deux oracles, des séances d'accompagnement où je plonge dans l'intime et le personnel des parcours de vie.
Dans la tradition polynésienne sacrée, la première question est simple : O vai oe ? Quelle est ton eau ? Cela signifie "quelle est ton eau ?" et derrière cette question, quelle vie t'anime ?" Entre 2016 et 2023, j'ai l'impression d'avoir vécu sans rien comprendre et c'était nécessaire. Apprendre à accueillir l'intuition, l''intelligence émotionnelle et invisible, à vivre avec l'algorithme de l'univers (bien plus puissant que les nôtres j'ose croire !), c'est s'offrir l'instant présent.
De retour sur ma terre racine, là où j'ai grandi, le Maroc, je reprends ma passion pour l'enseignement appelée par cette nouvelle "mode" ou est-ce, la nouvelle révolution, la prochaine culture et la clé de l'avenir ? L'IA va vite et elle nous prolonge. Elle continue notre volonté d'apprendre par l'objet, la technè que nous avons créée et qui nous renvoie à notre ingéniosité... à notre propre création et notre pouvoir créateur.
Avec le numérique, les représentations de soi sont devenues virtuelles. Avec les premiers réseaux, il y a eu Copains d'Abord, Vimeo, Facebook, LinkedIn, Twitter... puis une accélération vertigineuse des images avec Instagram, Tiktok et maintenant, l'IA. Cette diffusion instantanée des images de soi et des sois m'a toujours gêné. A l’heure des réseaux sociaux, en particulier, ceux des réels et de la vidéo en direct, la mise en scène de soi est prolifique.
Je vais immédiatement positionner mon caractère mammouth venue d’une ancienne ère. Cette démonstration perpétuelle du soi à travers un éclair d'écran, me dérange. Au début de Facebook, j’avais honte de ma vie riche en voyages qui faisaient envie. Je voulais éviter d’afficher mes destinations et leurs aventures souvent rocambolesques, toujours magnifiques. Aujourd’hui, je suis mal à l’aise pour une raison plus fondamentale, j’aime l'humilité. L’invisible enseigne le respect, la modestie et le secret de l’intime.
Avec le livre est venu l'idée de partager des vidéos sur YouTube, des podcast et des photos. Beaucoup me disent que cela leur fait du bien. Et je le sais, je le sens, je le vis. Pourtant, je passe mon temps à effacer ce que j'ai produit avec cette honte qui me harcèle. Est-ce de la communication ? Est-ce au service d'une cause morale, éthique et communautaire ? Est-ce un usage numérique responsable ?
L'étymologie de communiquer signifie créer des liens et plus essentiellement "mettre en commun". Dans cette création, la relation devient profonde et offre le toucher sensible et magnifique de ressentir ce qu'un autre traverse tant par l'intangible que par les actes.
Rares sont celles et ceux qui portent une vision pour mettre le monde en commun et qui guident en sachant que leur capacité à faire avancer nécessite des choix, des séparations, des destructions. Aller de l'avant au nom de la cité (et si elle est Platonicienne, elle a besoin d'autorité et de lois !) est essentiel pour mettre en lumière, éveiller et éduquer au sens latin du terme (élever). Il est tout autant nécessaire de rester immobile, patient, dans l'ombre pour accueillir la force de l'invisible. Cette force, elle détient les clés du temps. Le temps – et ce tant - de visibilité obstrue l’invisible, la place d'être et sa beauté.
Dans une ère tout audible, tout visible, tout dicible, la totalité de la communication empêche de « communiquer ». Nous nous empêchons de nous relier à nos parts visibles et invisibles. Prendre le temps de ressentir les images que nous créons pour mieux prendre soin de l'imaginaire qui nous relie, tel serait mon plaidoyer. Cela signifierait de mesurer les impacts de toute création d'images pour mieux accompagner leur révélation...
Pour illustrer mon propos, je vous réfère au sachet de thé et la magnifique phrase de Eléanor Roosevelt : Une femme est comme un sachet de thé. Elle devient plus forte quand elle est plongée dans l'eau chaude. Une image devient plus forte et l'imaginaire plus communautaire quand il est plongé dans l'eau froide qui prend le temps de s'immortaliser pour mieux dessiner la structure de son inspiration et la durabilité de son art. (pff cette phrase, c'est à force d'écouter Keanu Reeves. ;)
En attendant, j'arpente les images du techno-chamanisme et des corps hypermédiatiques qui étudient les liens fondamentaux entre deux mondes : celui de la technologie et celui de la spiritualité tout en protégeant la nature, les éléments... la vie sur Terre. Et peut-être, avec un peu de chance, c'est l'imaginaire d'une Cité, d'une Maison de Sagesse, d'une création connectée qui émergera.