Fables à venir : écrire lettre par lettre

Prendre le temps d'écrire. Prendre le temps de la lettre, le mouvement, le signe. Prendre le temps de la mémoire, la suspension et l'idée qui surgit. Dans la lenteur de la pensée, dans l'éclair de génie, dans le lien à l'autre. Âme à âme. Post à post. Mot à mots.

Céline Hervé-Bazin

6/9/202510 min read

black fountain pen on white paper
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Cette semaine, un goût de retour pimente ma bouche, mes pensées et ma plume.

Il y a eu le bombardement de Beyrouth Sud avec ce nuage qui rappelle l’amer 4 août 2020, une terrible page qui a ouvert un bain de sang répété depuis 1975, depuis la guerre civile au Liban et cette expression qui s’est remplacée avec le temps… C’est la Berezina. C’est Beyrouth. C’est Gaza.

Il y a eu le baccalauréat et ce stylo sur une feuille comme une contradiction de notre société d’éducation qui demande des rédactions à des jeunes qui vont être propulsés dans le monde universitaire puis professionnel où l’écran domine les interactions. Que dire de leurs pratiques ultra connectées, l’encre sur le papier parait autant désuète qu’indispensable.

Puis il y a eu mon éditeur. Après quelques mois à faire décanter ma pensée sur les hypermédias à l’heure de l’IA, je suis persuadée de l’urgence et la tempérance des récits. Comme une fable à venir, me voilà à recommencer le présent.

Après Grande Touring, place à la Raconteuse Ici qui aime les mots au point de les laisser écrire sa vie.

white paper and brown envelope

Pourquoi s'écrire quand on peut se parler, quand on se parle effectivement ? Parce qu'on ne peut pas parler toujours, ni de tout, parce que la parole peut faire obstacle à la communication, parfois, ou la vouer au bavardage, parce qu'il faut prendre le temps d'être seul, d'être vrai, parce qu'il est doux de penser à l'autre en son absence, dût-on le voir le lendemain, de lui dire la place qu'il occupe dans notre vie, dans notre cœur, dans notre solitude, et c'est ce que la parole ne saura jamais faire, puisqu'elle l'abolit. .... Dans une lettre, au contraire, on n'atteint autrui qu'en restant au plus près de soi. Mais on l'atteint, du moins cela arrive, et à une profondeur où les paroles n'accèdent que rarement.

L'écriture est plus proche du silence, plus proche de la solitude, plus proche de la vérité.

André Conte-Spontville

Raconter le présent, un atout collectif

Avec l’arrivée de l’IA, de nombreux enseignants partagent leurs inquiétudes et leurs expériences en cours. Ces craintes n’ont rien à voir, tout à voir avec l’outil mais aussi, tout à voir avec un effet générationnel lié au COVID. La première fois où j’ai entendu mes étudiants me dire qu’ils étaient sacrifiés par le COVID, j’ai eu envie de pleurer pour eux. L'interdiction des discothèques,  sorties en terrasse, embrassades en salutation était l’iceberg qui cachait sa profondeur.

Avec les classes en ligne, le rapport à l’enseignant s’est brisé mais aussi, celui à l’autre, celui au stylo, celui au livre. Le réflexe Wikipédia qui nécessitait une comparaison, a été remplacé par le réflexe IA qui apparait partout sur nos logiciels…

  • Comment puis-je vous assister ? Décrivez ce que vous souhaitez écrire. Dites-moi ce que vous voulez. Parle et je t'obéis nous dit la machine. Enonce et je traduis tes pensées. 

Et tout d’un coup, l’étudiant réalise que tout est disponible, tout est écrit car déjà généré, ex nihilo, ex materia. Quelle est sa valeur ? Il se remet au contenu trié par une machine qui vaut mieux que lui. Face à ce constat, il pourrait paraître juste de redonner confiance aux étudiants, d’utiliser les outils du développement personnel pour l’aider à avoir confiance. Sans tomber dans le piège du coach, l'ami, le psy. L’enseignant doit rester à sa place, celui qui oblige à s’élever. Il peut néanmoins s'adouber d'une touche de douceur dans son monde de sachant.

De nombreuses idées tracent la voie des pédagogies de demain :

  • Enseigner à l’extérieur sans portable, sans stylo, sans cahier selon le principe de la rhétorique dans une agora qui n’est autre qu’un parc public. Ecouter, parler, ressentir puis écrire un rapport, une page, un paragraphe peu importe. C'est après que le jeu du contenu peut intervenir.

  • Ecrire sans utiliser ni dictionnaire, ni ordinateur, ni téléphone… Seulement sa connaissance telle quelle est et déclamer en riant avec les autres qui vont juger des mots… Puis corriger à la maison, avec Chat GPT et revenir en cours, étudiant augmenté ?

  • Créer des jeux de rôle qui combinent les personnalités, les qualités de chacun et établir une stratégie d’équipe. Jouer avec endurance mêlant pédagogie par le jeu qui pourrait donner l'illusion d'une pièce de théâtre, pédagogie magistrale qui place les étapes, la hiérarchie, le Code.

  • Lire un texte en prenant des accents ou à deux. S’arrêter à chaque mot inconnu, demander au prof... demander à la lune, demander aux autres, improviser en attendant de toucher le clavier.

  • Ecrire une lettre à son professeur, à l'IA pour l'interroger au delà d'un prompt, à un savant quel qu'il soit. Poser les mots et s'arrêter sur chaque signe. Chaque code. Le traduire en langage informatique pour s'amuser avec la machine qui fait ce même exercice sans que nous nous en apercevions.

Plus j’avance, plus je visionne une pédagogie sans rien, un peu de corps, beaucoup de voix.. Et passionnément, un papier, des stylos, des livres et un travail chez soi avec son écran, son assistant virtuel... Et, si le goût est né, des collages de textes imprimés et des extraits de livres recopiés à la main, à la folie. L’IA a le mérite de nous dénuder de nos techniques et nos outils pour vivre autrement la salle de cours et ses interactions. C'est alors que surgit Raconteuse Ici, celle qui écrit la transmission essentielle des savoirs, connaissances & co-naissances. Nous apprenons ensemble, dans l'émotion et le partage d'être l'un avec les autres, par les autres et pour les autres.

Et tout ceci, redonne à l'écriture, à la plume, à la lettre... ses lettres de noblesse.

green leafed plant

Un bon éditeur, c’est un éditeur qui médite.

Philippe Geluck

Raconter l’avenir, le joker amoureux

Il était une fois Raconteuse Ici. Elle aime les livres, les articles, les blogs. Dès qu'elle a su écrire, elle a écrit.

La besogne dans ses touches, elle raconte comme elle conte les mots. Depuis quelques mois, son aventure scripturaire a été bouleversée, elle travaille sur un projet éditorial sur commande. C’est un marathon. Que dis-je ? C’est une traversée du désert, une conquête de l'Ouest (Est, Nord et Sud), une rencontre du troisième type. Raconteuse Ici goûte le récit écrit avec un éditeur. C'est un rêve, c'est une réalité de la lettre. Raconteuse Ici réalise un nouveau vœu. Un éditeur à ses côtés, lit chacun de ses mots. Il s’interroge. Il la mets au défi. Ce travail de fourmi ralentit sa cadence, éloge à la lenteur qui se chante, s'écoute, se ressent. Raconteuse Ici apprend le corps des mots. Elle apprécie la douceur du temps, étang des murmures. Elle canalise son feu intérieur et elle apprécie chaque flamme. 

Raconteuse Ici apprend la texture des mots, lettre par lettre, signe par signe… énergie par énergie.

De passage à Paris, elle a pu rencontrer son acolyte, acolettre, un jour pas comme les autres... Elle allait savoir si elle était devenue une grande âme. Son enseignant de la sueur des mots a reçu un cadeau en retour de son service éditorial, une dystopie fable à venir pour une Raconteuse façon Grand Bleu. Ce texte, Raconteuse ici l'a écrit à 19 ans. Elle l’a repris à 31 ans puis enfin, à 42. A chaque fois, elle y croit. Elle recommence. Elle reprend ce récit pour le sublimer. Cette histoire, elle raconte notre avenir, Raconteuse Ici en est persuadée.

Raconteuse Ici a une lettre prédictive, elle entend les mots, les événements, les rencontres et elle les voit se réaliser. Alors elle écrit pour faire naître un destin qui vit, Tractatus Intuitivo-invisiblus.

C’était un jeudi, un jeudi comme les autres, son éditeur a continué, il a renvoyé la balle des fables à venir. C'est un vrai joueur de tennis masqué, vainqueur qu'il est à chaque fois. Raconteuse Ici est remuée tripes et âme à chaque fois. L'édicteur a lu ses mots. Il partage ses sentiments sur les pages. Ses remarques sont pertinentes, justes et résonnent.

  • C'était un faux départ. Je le ressens. Je le sais. Une occasion manquée. Une défaite avant la victoire. Qu'il fut doux, ton premier sourire. (...) Alors, on vit surgir un plus sombre génie. (...) La licence usurpa la place. De la divine liberté.

  • Dans un retrait hivernal, replongeons dans le texte, le corps irréel de l’écriture. Les lettres, elles écrivent une histoire qui nous fait oublier le temps. Quand j’écris, quand je lis, je me transporte ailleurs emportée par les mots, les personnages, les émotions. Je vis ce qui me relie aux autres, à des vécus, à des passages sur Terre. J’apprends la leçon fondamentale de Raconteuse Ici… Ecrire, c’est se relier à l’autre dans son essence la plus pure. Elle est la balance d'airain, qu'un glaive a fait baisser. Elle est au delà de l'avenir qui s'effraie qu'un Gérard de Nerval emporté, décrit. Elle est... Ici, la fable à venir d'un nouveau roman à deux.

Ce processus, propre à Wittgenstein, naît d’un invisible, indicible qu’il revient de préserver. Raconteuse Ici a compris la force de ce qui peut être dit, ce qui ne doit pas être dit. Tout ce qui peut être écrit et ce qui ne doit pas être écrit. Tout ce qui peut être généré et ce qui ne doit pas être généré. Tout ce qui peut être ressenti et ce qui ne peut être ressenti. To be or not to be, telle est la question. L’écriture enseigne sa vertu essentielle, elle choisit les mots, elle sait raturer, supprimer et effacer. Et exercer l’essence même du sens, des sens. Raconteuse Ici sait l'être de son récit. Elle ressent la fable à venir, avenir d'un amour qui s'écrit à la lenteur des jours.

Raconteuse Ici est amoureuse.

Love is patient Love is kind printed on burned paper

Le Dancaire et Le Remendado

Qu'a-t-elle dit ? Qu'a-t-elle dit ?

Frasquita et Mercedes

Elle dit qu'elle est amoureuse !

Le Dancaire, Le Remendado, Frasquita et Mercedes

Amoureuse ! Amoureuse !

Le Dancaire

Voyons, Carmen, sois sérieuse.

Carmen, Opéra de Georges Bizet

Raconter le passé, le Jugement a sonné

Au Tarot, l’Arcane 20 s’appelle le Jugement. J’ai toujours cru qu’elle symbolisait le jugement dernier, une justice qui vient de l’extérieur. Aujourd’hui, j’ai compris qu’elle enseigne son jugement, sa capacité à évaluer cette vertu de Raconteuse Ici. Je choisis mes pensées, mes mots et le sens que j’établis. Je fais surgir de la confusion, des non-dits, des signes… ce qui sert le Monde. Aussi des mots s’effacent dans l’oraison d’une toile numérique.

T’es qui toi ?

Dans ton regard, je suis un voyage précieux où je lis la profondeur de mon être.

Dans tes mains, je sens la peau de mes crevasses qui racontent les chemins que j’ai empruntés.

Dans ton imaginaire, je suis cette voix qui t’a toujours guidé et protégé.

Je suis un être comme les autres.

J’ai eu la chance d’avoir beaucoup voyagé.

J’ai reçu des aventures, celles qui ouvrent aux rencontres, aux surprises et à la générosité.

J’ai toujours été guidée et je ne l’ai réalisé qu’assez tard.

Aujourd’hui, je sais que mes voyages ont formé ma jeunesse et écrit ma sagesse.

Ma mémoire est remplie de paix, mon être vibre de moments présents.

Mon chemin a construit une écriture, elle est une histoire faites de nombreuses anecdotes.

Et mon corps est devenu hypermédiatique, supra conscient et illimité.

Il s’est dissolu.

Il a cessé de vivre.

Il a écrit pour ce qui le dépasse.

T’es qui toi ?

Ce poème, il ouvrait mon récit. Je l’aime ce poème. Et pourtant, il sonne faux. Il me retient dans le passé. Celui d’un lien qui n’a pas su ni se dire, ni se vivre. Le deuil offre le baiser de la séparation, le regard qui attend et le sourire qui dit tout dans le secret d'une porte ouverte. Et là, l’intangible s'affiche comme une fable que j’aime à mourir, celle de l’âme sœur de Platon. Elle écrit sans ligne ni même paroles, elle vit, prie et manifeste.

Qu'as-tu écrit ?

Un regard qui plonge.

Une phrase qui effleure.

Un récit qui raconte.

Une écriture qui sait.

Une unité.

Ensemble.

Nous.

T’es qui pour nous ? Qui suis-je pour toi ?

Qui es-tu pour le Monde ?

Tu es

Mon Monde.

Avec ces mots, Raconteuse Ici est déjà devenue Conteuse Là-bas où tout est neuf et sauvage. Où tout est léger, legere et leg... Où son corps sent cet autre déjà réécrit. Où tout vient à qui sait attendre, comprendre, transmettre.

Il est temps d'écrire les nouveaux mots qui enseignent l'être à lettre.

Prenez soin de vos signes, prompts et interprétations,

Céline

Intermezzo

Etudiant augmenté ? Référence à l’homme augmenté.

Le Code, référence à Des Hommes d'Honneur, film de Rob Reiner de 1992 où la notion de code militaire, le respect dû à sa Patrie enseigne la vertu des Hommes et d'une cause.

Une touche de douceur dans son monde de brut, slogan de la marque Lindt

Avec les autres, par les autres et pour les autres. Citation originale : « of the people, by the people, and for the people » extrait du discours à Gettysburg d’Abraham Lincoln, 1863. Discours fondateur des valeurs de la démocratie américaine.

Que dis-je ? Reprise du style de la tirade de Cyrano ; « C’est un roc ! … c’est un pic ! … c’est un cap ! Que dis-je, c’est un cap ? … C’est une péninsule ! »

Une traversée du désert, expression qui signifie se remettre en question en s’isolant.

La conquête de l'Ouest, processus de colonisation des Etats-Unis d’Amérique

Rencontres du troisième type, film de Steven Spielberg de 1977.

Si j'étais devenue une grande âme rappelle la chanson de Patrick Bruel, Place des Grands hommes.

Grand Bleu, film de Luc Besson datant de 1988. Il raconte les aventures d'un plongeur qui tombe amoureux à plusieurs titres.

Tractatus Invisiblus est le traité philosophie sur l’émergence de la pensée et règle de prise de parole de Ludwig Wittgenstein, Tractatus Logico-philosophicus publié en 1921.

C'est le plus beau cadeau de monde, Film de Robert Lieberman, 1991 sur deux enfants qui espèrent réconcilier leurs parents divorcés.

Vainqueur qu'il est à chaque fois, référence au générique de la série télévisée Zorro.

J’aime à mourir, chanson de Francis Cabrel, Je l’aime à mourir. Il est également chanteur et compositeur du titre C’est écrit évoquant le destin.

Où tout est neuf et sauvage, paroles de la chanson Là-Bas, de Jean-Jacques Goldman et Sirima.